Et si les facteurs génétiques pouvaient influencer la composition et l’organisation spatiale du microenvironnement tumoral ? C’est exactement la question que se sont posée Logan Walsh, chercheur à l’Institut du cancer Rosalind et Morris Goodman (ICG), et le Dr Philippe Joubert de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec dans leur dernière étude publiée en septembre dans le journal Nature Communications.
À l’occasion du Mois de la sensibilisation au cancer du poumon, nous résumons ce projet de recherche qui repousse les frontières de nos connaissances et ouvre la voie à de meilleurs traitements et résultats pour les patient·es atteint·es d’un cancer du poumon.
Menée par la doctorante Saskia Harner, cette nouvelle étude présente un profilage complet de 157 échantillons de tumeurs de patient·es atteint·es d’adénocarcinome pulmonaire et révèle d’importantes différences entre les sous-groupes déterminés par les scientifiques. L’adénocarcinome pulmonaire est le sous-type de cancer du poumon le plus courant, avec des options de traitements limitées et un taux de récidive élevé. Cela marque encore plus l’urgence d’améliorer rapidement les stratégies thérapeutiques. Les chercheuses et chercheurs ont profilé chaque échantillon tumoral à l’aide d’imagerie par cytométrie de masse multiplexée, générant ainsi un atlas tumoral complet en additionnant les données génomiques et cliniques.
Les mutations pilotes sont souvent identifiées chez les patient·es atteint·es d’adénocarcinome pulmonaire et aident à choisir les options de traitements. Après avoir profilé les caractéristiques génomiques et cliniques de chaque patient·e, le groupe de recherche a établi le profil de la composition du microenvironnement tumoral en fonction du sous-type de mutation pilote, ainsi que du sexe et de l’âge. Après cette opération, les chercheuses et chercheurs ont identifié des différences importantes dans la composition des cellules cancéreuses et immunitaires entre les sous-types d’oncogènes pilotes.
En raison de leur incidence élevée chez les patient·es, les groupes du Professeur Walsh et du Dr. Joubert ont décidé de se concentrer sur les tumeurs induites par des mutations dans les gènes EGFR ou KRAS et d’étudier l’impact d’une co-mutation dans le gène suppresseur de tumeur TP53. Ils et elles ont découvert plusieurs configurations cellulaires au sein de ces sous-groupes de mutations pilotes qui sont influencées par la présence ou l’absence d’une co-mutation TP53. En examinant les voisinages cellulaires, une méthode permettant de déterminer quels types de cellules sont proches les uns des autres dans la tumeur, les scientifiques ont identifié des voisinages corrélés à une augmentation de la survie des patient·es, tels que le voisinage enrichi en lymphocyte B. Une analyse plus approfondie a révélé une amélioration de la survie des patient·es ayant un voisinage enrichi en lymphocytes T auxiliaires, que l’on trouve fréquemment chez les patient·es présentant des mutations dans le gène EGFR.
Un autre groupe de recherche a récemment découvert qu’une co-mutation TP53 avec une mutation EGFR peut rendre certains traitements contre le cancer moins efficaces, ce qui a conduit l’équipe du Professeur Walsh à se demander comment le paysage immunitaire diffère entre les deux profils génomiques et pourrait mener à des traitements mieux adaptés. En examinant les données d’imagerie par cytométrie de masse pour les voisinages cellulaires, les chercheur·ses ont constaté une importante différence entre les groupes à mutation unique et à co-mutation, telle que la perte du voisinage enrichi en lymphocytes T auxiliaires. Leur conclusion principale : les altérations génomiques ont un impact sur l’organisation spatiale de la tumeur et le pronostic de la maladie pour les patient·es.
Cette nouvelle étude souligne la manière dont certains facteurs oncogènes spécifiques à l’adénocarcinome pulmonaire influencent l’organisation des populations de cellules immunitaires et stromales et, crucialement, comment ces caractéristiques peuvent avoir un impact sur la survie à cette maladie. Elle souligne également les conséquences des co-mutations TP53 sur le profil immunitaire des tumeurs ainsi que leur organisation cellulaire.
Dans l’ensemble, les auteur·es avancent que l’intégratinon des paramètres immunitaires spatiaux et des données génomiques de chaque patient·e permettra d’obtenir des meilleurs résultats cliniques et d’offrir des traitements mieux adaptés. Cette étude a été rendue possible grâce au soutien financier des IRSC et du FRQS et souligne l’engagement de l’ICG à améliorer les résultats pour tous·tes les patient·es, incluant celles et ceux atteint·es d’un cancer du poumon.
Article complet (en anglais) : Oncogenic driver mutations underlie the spatial tumour immune landscape of non-small cell lung cancer