La résistance aux traitements demeure l’un des plus grands défis dans le traitement du cancer, et le cancer de la prostate n’y échappe pas. Dans leur plus récente étude publiée dans le journal Gene & Development, Vincent Giguère, Ph.D., et son équipe à l’Institut du cancer Rosalind et Morris Goodman (ICG) ont identifié une nouvelle cible prometteuse: ERRγ. Ce facteur de transcription est associé à l’un des sous-types les plus agressifs du cancer de la prostate lorsque son activité est réglée à la baisse.
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les hommes au Canada, mais les diverses formes de la maladie ne se comportent pas toutes de la même manière. Le cancer neuroendocrinien de la prostate est une forme rare mais agressive de cancer de la prostate. Il survient souvent lorsqu’un adénocarcinome de la prostate, le type le plus courant de cancer de la prostate, développe une résistance aux thérapies hormonales. Une fois cette transition vers la résistance est activée, les options de traitements deviennent extrêmement limitées.
Malgré les nuances moléculaires du cancer neuroendocrinien de la prostate, les recherches menées par la première auteure, Ting, Li, post-doctorante dans l’équipe du professeur Giguère, ont révélé une régulation à la baisse de ERRγ dans les modèles murins de cancer neuroendocrinien de la prostate. Les mêmes observations ont été faites chez un sous-groupe de patients, en particulier ceux qui présentaient une perte fonctionnelle du suppresseur de tumeur PTEN. ERRγ est un facteur de transcription clé impliqué dans la régulation du métabolisme énergétique des cellules, entre autres fonctions. Il est important aussi de noter que ERRγ appartient à la même famille de protéines que le récepteur des androgènes, ce qui en fait une excellente cible pour la découverte de nouveaux médicaments. À l’aide de modèles murins génétiquement modifiés, les chercheur·e·s ont démontré que la perte de ERRγ accélère la transition vers la forme neuroendocrine agressive de cancer de la prostate. Remarquablement, la restauration de l’expression de ERRγ dans les cellules cancéreuses de la prostate humaine inverse cette transition, validant ainsi le rôle de ERRγ dans la progression de la maladie vers une forme plus agressive et difficile à traiter.
Pour déterminer comment ERRγ protège contre le cancer neuroendocrinien de la prostate, l’équipe de recherche a utilisé des approches transcriptomiques et métabolomiques à la fine pointe de la technologie pour identifier les gènes et les voies métaboliques impliqués. Parmi les principales découvertes, ils et elles ont observé que RET et EZH2, deux facteurs associés à la progression du cancer, sont régulés à la hausse lorsque ERRγ est perdu. Il est important de noter que lorsque l’équipe du professeur Giguère a testé des inhibiteurs de RET et EZH2 dans des modèles précliniques humains et murins de cancer neuroendocrinien de la prostate, elle a observé une activité antitumorale accrue avec le traitement combiné par rapport aux agents seuls.
Ces résultats ont des implications cliniques majeures. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement efficace pour les patients dont le cancer de la prostate transitionne vers le sous-type neuroendocrinien. En identifiant ERRγ comme un suppresseur de cette transition et en démontrant les avantages potentiels d’un traitement combiné ciblant RET et EZH2 chez certains patients, le groupe du professeur Giguère a ouvert la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques qui pourraient améliorer les résultats pour les patients confrontés à cette forme agressive de la maladie.
Cette étude a été menée en collaboration avec le professeur Jin-jian Lu de l’Université de Macao et soutenue par les Instituts en recherche en santé du Canada, l’Institut de recherche Terry Fox, la Société de recherche sur le cancer, le Fonds de recherche du Québec – Santé et Défi Canderel.
Article complet : ERRγ impedes neuroendocrine prostate cancer development